Notre vision du monde classe les civilisations humaines en deux grandes méta-catégories : celles qui se sont développées avec l’abondance d’eau potable et celles qui se sont construites sur le déficit d’eau potable. Les premières ont élaboré un modèle de conscience collective axé sur les compromis, l’échange et la collaboration. Bien qu’elles aient été confrontées à la guerre et aux rivalités territoriales, culturelles ou ethniques, elles n’ont, en réalité, été que peu confrontées à des problématiques de survie extrême. La seconde catégorie s’est organisée autour de la guerre et des rivalités pour la maîtrise de l’eau, avec principalement les puits, les oasis et quelques fleuves. Celui qui contrôle l’eau détient le pouvoir suprême de vie ou de mort sur toutes les autres tribus et, pour conquérir l’eau, il faut un chef, un héros capable de garantir la survie de la tribu. Ce besoin incessant de domination pour cette survie explique aussi en partie pourquoi les premières grandes civilisations sont apparues au Moyen-Orient. En effet, l’union faisant la force, le besoin de survie a contraint ces peuples à se fédérer autour de grands chefs qui ont par la suite construit des empires.
De chasseurs cueilleurs, nous nous sommes sédentarisés autour de communautés primitives dirigées principalement et de manière totalitaire par des femmes (les prêtresses) et ayant pour objectif principal la dévotion aux différents cultes premiers, dont les constructions mégalithiques sont les témoins comme le site Göbekli Tepe en Turquie.
Ainsi sont nés les premiers villages et les premières organisations communautaires. Cette nouvelle concentration de population, inédite pour l’époque, a généré un besoin de ressources massives, dont l’eau, et a permis l’invention de l’agriculture, le développement des outils, de l’écriture mais a aussi généré le besoin de la guerre pour la maitrise de ces ressources. Ces premiers villages, entièrement dédiés à des cultes, sont devenus le berceau de la civilisation sumérienne, marquant ainsi la fin du pouvoir des femmes (les prêtresses associées à la guerre incessante, explique pourquoi les femmes sont interdites de diriger les cultes) et le début des sociétés patriarcales, dirigées majoritairement par des hommes (pensant que eux rétablirai la raison et la paix). Il est possible que ce soit par opposition au pouvoir totalitaire des prêtresses que les sumériens (et non pas les Grecs) ont inventé la démocratie à deux chambres, avec un parlement et un sénat. (et où, contrairement au Grec, tout le monde avait de droit de vote)
De sociétés structurées par la présence ou l’absence d’eau, nous sommes passés à des civilisations définies par leur espace géographique : les civilisations de la « terre » en opposition aux civilisations de la « mer ». La théorie « géopolitique » de Carl Schmitt distingue ces deux types de puissances : les Tellurocraties (empires terrestres) et les Thalassocraties (empires maritimes). Les Tellurocraties se concentrent sur le contrôle des terres, valorisant les frontières et la stabilité territoriale et le conservatisme. Les Thalassocraties, en revanche, dominent les mers, mettant l’accent sur le commerce, la mobilité, l’innovation, le changement et le contrôle des voies maritimes. Schmitt utilise cette distinction pour analyser les stratégies politiques et militaires des puissances mondiales, soulignant l’importance de la géographie dans la formation des empires.
Halford Mackinder a introduit le concept de Heartland en 1904, affirmant que la région centrale de l’Eurasie (Russie/Chine) est la clé de la puissance mondiale. Selon lui, celui qui contrôle le Heartland, doté de ressources abondantes et difficile à envahir, pourrait dominer le monde. Cette théorie mettait l’accent sur l’importance de la puissance terrestre. En réaction, Nicholas Spykman a proposé dans les années 1940 la théorie du Rimland, une bande de territoire entourant le Heartland. Pour Spykman, contrôler le Rimland, qui inclut des régions stratégiques comme l’Europe de l’Est, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, et l’Asie du Sud-Est était essentiel pour obtenir une suprématie mondiale. Cette approche soulignait l’importance de la puissance maritime. Plus tard Zbigniew Brzezinski, un stratège américain, a fait évoluer cette théorie. Dans son ouvrage « Le Grand Échiquier » (1997), Brzezinski a souligné l’importance cruciale de l’Eurasie dans la stratégie géopolitique, reprenant et actualisant les concepts de Heartland et Rimland. Selon lui, pour maintenir sa suprématie, les États-Unis devaient se concentrer sur l’influence et le contrôle de cette région avec le scénario indiquant que plutôt que de conquérir l’Eurasie par la guerre, il suffisait de la neutraliser en l’encerclant notamment grâce à « l’Islamic Green Belt » (Ceinture Verte Islamique). Cette stratégie d’encerclement en réalité initiée pendant la guerre froide, vise à contrer l’influence Russo/Chinoise par la neutralisation de l’Ukraine, du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud, de l’Afrique du Nord, du sahel, jusqu’au Soudan.
Parallèlement, la notion de « choc des civilisations » a été popularisée par Samuel P. Huntington dans son livre éponyme de 1996. Cette théorie postule que les conflits post-Guerre Froide seraient principalement culturels, religieux et civilisationnels, plutôt qu’idéologiques ou économiques. Cela a renforcé les notions (totalement stupides) de Heartland et Rimland, avec pour principales conséquences la mise sous tutelle américaine de l’Union Européenne pour empêcher tout rapprochement avec la Russie, et la reprise du concept de l’Islamic Green Belt sous la dénomination de « Grand Moyen Orient » avec deux plans : A) La stratégie Bush et des néoconservateurs, visant à neutraliser cette ceinture « verte » par la guerre et à mettre en place de fausses démocraties permettant de placer des marionnettes au pouvoir (Irak, Afghanistan, Yémen, etc.). Cette stratégie ayant majoritairement échoué, le plan B commence le 17 juin 2007 à Minneapolis où Barack Obama et les démocrates américains organisent une pseudo-conférence de la paix. Les ambassadeurs et représentants de toute la clique de l’islamisme radical international se retrouve dans les hôtels de la ville pour initier deux ans de négociations et la signature d’un accord : l’arrêt du terrorisme international, en échange de l’établissement d’un nouveau califat islamique dans le Sinaï égyptien, et le remplacement des dictateurs arabes par un islam politique pseudo-démocratique soutenant des politiques ultralibérales pro américaine, dans les pays concernés. La signature de cet accord précédera le discours de Barack Obama en 2009 au Caire, prélude au démarrage des révolutions colorées à la Soros connues le nom de « printemps arabes » avec, comme prévu, la chute des dictateurs et la mise en place de modèles de pouvoir ingouvernables basés sur des régimes parlementaires à la proportionnelle intégrale, permettant aux islamistes d’accéder aux plus hautes fonctions de l’État sans le moindre programme et sans la moindre vision.
En Tunisie, le constat après dix ans de régime parlementaire est factuel, « le plan Obama / Biden / Clinton » de neutralisation de l’Afrique du Nord fonctionne parfaitement :
- 85 % de la population déclare ne rien comprendre à ce mode de gouvernance, et 90 % sont incapables d’expliquer les mécanismes de la proportionnelle ou le principe des quotas pour la nomination des ministres.
- 83 % des lois votées en dix ans n’ont fait l’objet d’aucun décret d’application et ne sont donc pas applicables et appliquées. Le régime parlementaire a bloqué la nation !
- Les 17 % de lois ayant eu un décret d’application concernent principalement les salaires et les retraites des parlementaires, la validation systématique des crédits de l’État, la privatisation de notre banque centrale et, surtout, la vente sans concertation et pour des sommes dérisoires de 117 entreprises publiques et des biens de l’État. Cela concerne aussi l’augmentation délirante des taxes et impôts, ainsi que le transfert d’une grande partie de notre économie à des entreprises étrangères qui, pour la plupart, ne sont même pas implantées sur notre territoire comme pour les missions d’études stratégiques, les chantiers de l’État, l’agriculture ou l’énergie.
- 13 lois de finance qui totalisent 2600 mesures dont seulement 256 sont en application au moment d’écrire ces lignes soit moins de 10%.
- 14 gouvernements, plus de 400 ministres et plusieurs milliers de conseillers, tous, totalement inconnus du grand public, dont personne n’est capable de décrire la moindre action ayant impacté positivement son quotidien. Des gouvernements bâtis uniquement sur des alliances improbables et contre-nature, et sans avoir proposé la moindre stratégie. Il faut plusieurs mois de tractations secrètes pour nommer un chef de gouvernement dont l’espérance de vie au sein de l’état ne dépassera pas l’année.
- Une justice incapable de traiter les grands dossiers de la nation, comme les assassinats politiques, le terrorisme, la contrebande, l’évasion fiscale et la corruption.
- Une mise en application silencieuse et sans concertation nationale des principales orientations de l’ALECA pourtant massivement rejetée par le peuple et les syndicats
Bien que ce système ait été abrogé le 25 juillet 2022, les partis responsables du fiasco des dix dernières années appellent à un retour en arrière et se préparent déjà pour la campagne présidentielle de 2024. Ceci se fait toujours sans vision ni stratégie, en s’appuyant sur des alliances encore plus improbables qu’auparavant et, évidemment, toujours avec le soutien inconditionnel de l’Occident, dont les sénateurs et parlementaires américains pseudo « démocrates ».
Ainsi, par ce manifeste, nous affirmons que définir le régime politique le plus pertinent pour la Tunisie, sans tenir compte de notre inconscient collectif, et parler de maîtrise du pouvoir sans tenir compte des forces géopolitiques qui œuvrent depuis 70 ans à nos frontières, n’a aucun sens et tient lieu, au mieux, d’amateurisme, au pire, de compromission et de trahison !
Nous sommes les héritiers d’un métissage arabo-berbère, issu de tribus qui se sont toujours construites autour d’un chef, d’un leader, d’un héros qui montre le chemin. De tribus structurées par la domination de l’eau, nous sommes devenus une civilisation de la « mer » avec Hannibal, les Carthaginois et l’Empire arabo-musulman. La chute de l’Empire Ottoman et l’avènement des empires occidentaux nous ont obligés à redevenir une société de la « terre » mais toujours dirigée par un leader, les Beys, Bourguiba, Ben Ali, une société de la « terre », devenue centrée sur elle-même, ancrée dans ses frontières, ses traditions et développant un conservatisme et un népotisme absolu.
Notre situation géographique nous place dans une zone stratégique au cœur de l’impérialisme américain et sa volonté destructrice de vouloir diriger le monde en neutralisant l’Eurasie et ceci en affaiblissant l’Europe Occidental pour la garder sous tutelle et en déstabilisant soit par l’ingérence soit par la stratégie du chaos, l’ensemble des nations de « l’Islamic Green Belt » / « Grand Moyen Orient » dont nous faisons partie.
Notre souverainisme, notre conscience de la réalité du monde, notre compréhension des aspirations de notre peuple, notre anticipation des grands enjeux du monde de demain, nous impose sans aucun doute, de mettre en place un modèle de gouvernance de la nation qui garantisse une maîtrise souveraine du pouvoir de diriger la nation.
Cette maitrise du pouvoir doit assurer la préservation de notre identité, de notre culture, de notre démocratie et le développement d’un modèle socioéconomique responsable au service du peuple et de la nation et non aux services d’intérêts géopolitiques étrangers. Ainsi, nous considérons que seul le régime présidentiel est en adéquation avec notre sociologie, notre histoire, et notre inconscient collectif. Ce type de gouvernance de la nation est une condition « sine qua non », de la maîtrise du pouvoir par la reconnaissance qu’il a, de sa légitimité par notre peuple et ses réflexes de pensée.
De plus nous devons cultiver, et non opposer, notre héritage de la « mer » à celui de la « terre ». Nous devons conquérir le monde à travers de nouveaux horizons de développement et de partenariats, tout en réaffirmant notre résilience face à la déstabilisation en investissant massivement dans le développement de nos régions.
Nous œuvrons pour un régime présidentiel fort sur les sujets stratégiques de notre avenir, mais qui articulera un partage équitable du pouvoir avec les régions en s’appuyant sur la démocratie participative et la co-construction, tel que détaillé dans notre plan de transformation, Axe 01 : « Rebâtir les fondations de la nation ».
Notre position géographique nous place au cœur de la stratégie impérialiste et guerrière Otano-américaine. Pour garantir la maîtrise du pouvoir, notre stratégie de défense, telle que décrite à la section 4.1, prévoit la création d’une cellule d’intelligence stratégique et une refonte de nos services de renseignement. Nous nous attacherons à identifier et à lutter contre les forces d’influence étrangères toujours actives sur notre territoire, à identifier les responsabilités et les félonies. Nous mettrons les forces politiques européennes et américaines face à leurs responsabilités grâce à notre proposition de « Reset Géopolitique » et nous mettrons en œuvre nos propres forces d’influences pour rappeler aux commanditaires du « vieux sur la montage » que nous aussi nous, savons jouer aux échecs !
Nous affirmons vouloir rester une nation libre et non alignée, et nous nous ouvrons à de nouveaux rapprochements, comme avec les BRICS ou tout autre nation souveraine dont nous partageons les idéaux de liberté, de justice et de paix . Nous affirmons que seule la création d’un grand Maghreb élargi alignée sur les mêmes valeurs, nous donnera la puissance nécessaire pour garantir la maîtrise souveraine de notre pouvoir de gérer notre nation et de décider seul et en conscience de notre avenir commun.
Pour l’honneur et la mémoire de nos frères et sœurs tombés en martyrs en Tunisie et dans nos pays frères. Que Dieu protège leurs âmes